C’est la prochaine révolution télécom, très attendue mais tout aussi controversée. Si elle a pu faire l’objet de théories du complot quant à la propagation du Covid-19, notamment en Angleterre où des antennes ont été détruites, la 5G n’en reste pas moins une innovation majeure du XXIe siècle. Elle doit être le support de services innovants tout en reposant sur les mêmes ondes électromagnétiques que les générations précédentes. La vraie révolution réside dans les fréquences. Lire notre article Fonctionnement, santé, environnement : quel bilan pour la 5G ? Tout est fréquence Infra-rouge, ultra-violet, micro-ondes, radio, télévision, smartphone, wi-fi…tout est fréquence. Un nombre considérable d’objets de notre quotidien font usage des ondes électromagnétiques. Celles-ci peuvent se différencier entre-elles selon deux critères : la longueur d’onde (en nanomètre) ou la fréquence (en hertz) qui sont deux variables liées. Lors des débuts de la radio, les ondes étaient classées par longueur d’onde (grandes ondes, petites ondes). Aujourd’hui, on utilise majoritairement la différenciation par la fréquence. L’activité humaine ne se sert globalement que des ondes situées entre 3 kilohertz (KHz) et 300 gigahertz (GHZ). Chaque usage utilise une fréquence d’onde différente. On découpe ainsi le spectre par tranches délimitées par deux longueurs d’ondes précises. A chacune de ces parties appelée bandes de fréquences est réservé un usage précis. La largeur de ces bandes varie selon les cas. Les bandes plus basses (700-800-900 MHz) servent à faire la couverture, les bandes moyennes (1,8 GHz, 2,4 GHz, 3,5 GHz) à renforcer le débit dans les zones les plus denses, à absorber le trafic et à accélérer la vitesse de connexion. Les bandes hautes (26 GHz) servent à proposer un très haut débit avec peu de latence mais ces dernières, encore mal connues, débutent tout juste leur phase de test. La téléphonie mobile n’utilise que peu de bandes de fréquences. Elle n’en utilise que 6 au maximum si l’on compte celle qui doit lui être prochainement attribuée, à savoir la bande 3,5 GHz (en réalité comprise entre 3,4 et 3,8 GHz). Une fréquence ou une autre, qu’est-ce que ça change ? La qualité physique des ondes dépend de leur place sur le spectre électromagnétique. Les ondes basses ont une plus grande portée que les ondes courtes. De plus, les ondes à basse fréquence sont celles qui pénètrent le mieux dans les bâtiments. La plus basse fréquence utilisée pour la téléphonie mobile est la bande 700 MHz, surnommée la « fréquence d’or ». C’est la plus prisée des opérateurs de télécoms. Ils l’utilisent pour les réseaux 2G,3G et 4G mais aussi pour des objets connectés et la radio-identification (RFID). Lorsque la « fréquence d’or » a été mise en service, chaque opérateur a obtenu une bande de fréquences de 5 à 10 MHz. Plus la fréquence de l’onde s’éloigne de 700, moins elle est utilisée car la portée diminue. La nouveauté de la 5G, c’est le « slicing ». Il sera en effet possible d’adapter les performances du réseau 5G à chaque type d’objet, et émettre à la fois des ondes longue portée et des ondes courte portée. Des canaux prioritaires pourront ainsi être réservés pour des services critiques tels que la conduite autonome. Lorsque des bandes de fréquences seront réservées à un usage particulier, les voitures autonomes par exemple, ces ondes ne pourront pas être utilisées à d’autres fins, ce qui n’est pas encore possible avec la 4G. En isolant les bandes de fréquences, les ondes ne seront pas surchargées et donc plus efficaces. Avec la 3G et la 4G, les flux de données mobiles ont considérablement augmentés. La démocratisation de la vidéo sur smartphone y a largement contribué. On attribuait alors les bandes de fréquences selon les besoins du moment. Mais une bande pas assez large peut-être saturée. Les opérateurs ont alors commencé à assembler les bandes de fréquences afin de créer un canal de communication plus large. La 5G devrait augmenter les associations des bandes de fréquences, il est donc nécessaire de trouver des bandes très larges. C’est le cas de la bande 3,5 GHz. Le report des enchères Les enchères d’attribution des fréquences de la 5G en France se tiendront entre le 20 et le 30 septembre 2020. C’est à ces dates que tout se joue : un spectre de 310 MHz de fréquences radioélectriques doit être réparti entre les différents acteurs français de la filière télécom. Il s’agit des ondes dont la fréquence est comprise entre 3,4 et 3,8 GHz. Bouygues Telecom, Orange, Free et SFR ont déjà reçu chacun un bloc de 50 mégahertz (MHz) au prix unitaire de 350 millions. Les enchères doivent permettre d'attribuer le reste des fréquences disponibles, soit 11 blocs de 10 MHz. Chacun des 11 blocs restants sera donc mis aux enchères au prix plancher de 70 millions d'euros. Le retard français La 5G est déjà en service dans 31 villes d’Angleterre, 15 villes d’Espagne et 10 villes allemandes. Le retard de la France dans la mise en service de la 5G n’était jusque là pas préoccupant. Avec le report des enchères d’attribution de la 5G, nul ne sait l’ampleur qu’il va prendre. Certes, les opérateurs télécoms ne sont pas pressées de mettre en place la 5G, ils sont déjà sous pression financière pour accroître la couverture 4G dans les zones rurales. La 5G représente un double coût pour eux, l’acquisition des fréquences et l’achat de nouvelles antennes, plus chères. Mais il en va de l’attractivité économique du pays. Lorsque l’on sait ce que la 5G peut permettre en termes d’innovation (de véhicules autonomes et d’objets connectés par exemple), disposer d’un tel outil deviendra très vite indispensable pour être une « terre d’innovation ». Le grand perdant de ce retard technologique est bel et bien l’Etat français. Les ondes électromagnétiques sont un bien public et les enchères de la 5G devaient rapporter au minimum 2,17 milliards d’euros. Les enchères auraient bien pu s’envoler et renflouer un peu les caisses de l’Etat.