Le terme d’open innovation a été conceptualisé par Henry Chesbrough au début des années 2000 dans son article «
Open innovation : The New Imperative for Creating and Profiting from Technology ». C’est une nouvelle approche de la R&D. Elle consiste à aller chercher des idées et des informations en dehors de l’entreprise, et à partager les siennes en contrepartie. Plus concrètement, les entreprises peuvent innover en se servant d’idées inutilisées d’autres entreprises, pour peu qu’elles soient partagées et accessibles. Cela peut prendre plusieurs formes : incubateurs de startups, plateformes de cocréation, événements internes type hackathons ou concours et partenariats avec des startups.
L’open innovation a un potentiel énorme. D’après Henry Chesbrough, les entreprises déposent beaucoup de brevets mais n’émettent pas de licences pour que d’autres puissent utiliser ceux dont l’entreprise ne se sert plus. Par exemple, Bayer emploie 7000 chercheurs et seules deux personnes s’occupent d’émettre des licences d’utilisation des brevets.
Il y a donc un nombre considérable de brevets qui ne sont ni utilisés ni partagés. Les GAFAM et les grands groupes ont une capacité à innover décuplée et bénéficient plus de l’open innovation : l’innovation est aussi une question de moyens. Ces grands groupes peuvent tirer profit de l’open innovation en intégrant ces fonctions de dépôts de licences d’utilisation. En partageant des brevets, les entreprises ont l’opportunité de mettre en valeur ces brevets en les confrontant à des business model différents et cela gratuitement. Les innovations sont soumises à un œil nouveau et à d’autres manières de penser.
S'ouvrir à l’open innovation pour une ETI ou une grande entreprise c’est avant tout un
changement culturel. Il lui faut prendre un virage numérique. Elle doit également être convaincue des bénéfices qu’elle peut tirer de l’open innovation pour créer une dynamique autour de sa collaboration. Travailler avec une startup n’est pas inné pour une grande institution qui doit s’imprégner des méthodes de fonctionnement où l’échec oblige les expériences à être réitérées. Toute l’entreprise est mobilisée dans cette mutation organisationnelle, dans la formation des collaborateurs etc… Le cadre et les objectifs de la collaboration doivent être définis avant de passer au sourcing des startups qui pourraient répondre à la recherche de l’entreprise. Ce sourcing reste aujourd’hui complexe, il repose sur le réseau de l’entreprise. C’est la raison d’exister de Forinov qui permet de mettre en lien tous les acteurs de l’innovation et de centraliser ce sourcing en une seule plateforme.
Cette transition des grandes entreprises vers le numérique s’opère peu à peu. Pourtant le large écosystème des startups trouverait dans cette acculturation des grands groupes un
levier extraordinaire. Avec moins de moyens de départ, les startups ont, grâce à l’open innovation, une banque de brevets à leur disposition. L’open innovation peut leur permettre de faire plus avec moins, malgré un coup de départ qui reste élevé. Les startups peuvent bénéficier de l’open innovation en plusieurs sens :
- Elles ne partent pas de zéro. Un partenariat avec une organisation expérimentée en R&D leur donne une longueur d’avance dès le départ grâce au travail déjà effectué.
- Elles accèdent plus vite au marché. Conséquence directe de l’avance permise par la collaboration avec les entreprises, il leur faut moins de temps pour se retrouver sur le marché.
- Enfin, elles partagent aussi les risques, ce qui profite aux deux unités en collaboration. En cas d’échec, les pertes sont partagées. Un même investissement de départ peut être réparti en plusieurs essais.
L’open innovation est très répandue, les startups fleurissent un peu partout et les collaborations se multiplient. Elle peut cependant gagner en efficacité si la transition numérique des grands groupes s'accélère. Etant donnée la corrélation entre innovation et survie à laquelle ils sont soumis et qu’ils ont bien compris, cette acculturation devrait gagner en ampleur.
Si cette nouvelle manière d’innover a permis à bon nombre d’entreprises de se développer par le biais de l’innovation, elle est aujourd’hui le cœur d’un problème. Elle continue d’accélérer le progrès technologique
mais la croissance de la productivité ralentit et les salaires stagnent. L’arrivée de l’open innovation semble en ce point comparable à l’arrivée des ordinateurs dans les années 80. On retrouve le même manque de répercussions positives de l’innovation dans l’économie. En 1987, Robert Solow affirmait : « Les ordinateurs sont partout, sauf dans les chiffres de la productivité. ». Nous nous retrouvons avec le même paradoxe plus de 30 ans plus tard. Henry Chesbrough lui a donné le nom de paradoxe exponentiel.
Pour inverser cette tendance, il faudrait selon certains économistes une innovation majeure, une de ces innovations qui bouleverse tout le système productif et organisationnel. Un changement équivalent à l’entrée en scène de la machine à vapeur début XIXe ou de l’électricité. En attendant cette rupture, pour que la courbe de la croissance tende vers celle de l’innovation, Henry Chesbrough appelle les pays à investir dans les infrastructures. Développer un capital public de bonne qualité partout dans le monde permettrait de générer, de diffuser mais aussi d’incorporer de nouvelles idées dans les technologies.
Il existe aussi un moyen pour le secteur privé de promouvoir l’innovation : il faut entraîner les individus. Autrefois, embaucher quelqu’un nécessitait une période d’apprentissage, d’adaptation et cela élargissait le panel des compétences d’un individu. De nos jours, recruter quelqu’un signifie trouver quelqu’un qui a déjà fait ce pour quoi on l’embauche. Cela réduit la flexibilité, l’adaptabilité aux nouvelles technologies et la capacité d’innovation.
La crise a aussi considérablement réduit le champ de l’innovation. Pour faire face à la crise, beaucoup d’entreprises ont considérablement diminué leur budget dédié à la R&D en misant sur l’open innovation. Or, l’open innovation ne doit pas être considérée comme une externalisation de la R&D. En la considérant comme telle, des entreprises ont perdu leur capacité d’innovation et n’ont pas pu s’imposer sur le marché après la crise. Pour l’instant, l’efficacité de l’open innovation semble être restreinte à ces grands groupes privés qui connaissent une croissance exceptionnelle. Cette disparité, que l’on observe même au sein de la Silicon Valley, s’est accentuée avec la crise des Subprimes et perdure depuis.