Indispensables
Ă
la pollinisation des fleurs sauvages et des cultures, les abeilles
jouent un
rôle essentiel dans notre écosystème. Selon une nouvelle étude, elles
pourraient également être des alliées précieuses dans la lutte contre le
cancer.
Chaque
année, près de 60
000 femmes sont atteintes d’un cancer du sein en France. Si les taux de
survie
sont de plus de 85 %, le nombre de cas diagnostiqués reste tout de même
alarmant. La solution était peut-être plus proche qu’on le pensait. Dans une étude publiée dans
la revue Nature
Precision
Oncology, des chercheurs du Harry Perkins
Institute
of Medical Research et de l'Université d'Australie occidentale ont
découvert le
pouvoir du venin de ces insectes sur les cellules cancéreuses, et en
particulier sur celles du cancer du sein triple négatif, c’est-à -dire sans aucun
marqueur connu à la surface des cellules cancéreuses, et donc répondant
difficilement aux thérapies ciblées. D’ailleurs,
cette
pathologie très précise touche environ 15 % de l’ensemble des patientes,
selon
l’Institut Curie
Selon
le
Dr Ciara Duffy, auteure principale des travaux, il s’agit de la première
étude depuis plus de 70 ans à analyser les propriétés anticancéreuses du
venin
d’abeille et d’un de ces composés, la mélittine. "Personne
n'avait auparavant comparé les
effets du venin d'abeille ou de la mélittine sur tous les différents
sous-types
de cancer du sein et sur les cellules normales, explique la
chercheuse. Nous avons testé le
venin d'abeille sur des cellules
mammaires normales et sur des cellules des sous-types cliniques de
cancer du
sein : cancer du sein positif pour les récepteurs hormonaux, enrichi
en HER2Â (une
protéine spécifique à une forme agressive du cancer du sein, ndlr) et
triple négatif."
Une
destruction des cellules cancéreuses et l’arrêt de leurs
multiplications
Pour
analyser les
propriétés anticancéreuses du venin d’abeille, les chercheurs ont
recueilli le
venin d’abeilles de Perth, en Australie, ainsi que d’autres populations
d’abeilles en Irlande et en Angleterre, et de bourdons. Au total, 312
espèces
ont été analysées. "J'ai
constaté que l'abeille
européenne en Australie, en Irlande et en Angleterre produisait des
effets
presque identiques dans le cancer du sein par rapport aux cellules
normales.
Cependant, le venin de bourdon Ă©tait incapable d'induire la mort
cellulaire,
même à des concentrations très élevées", souligne la
professeure adjointe Pilar Blancafort, qui a participé à l'étude.
Au
contraire, le
venin des abeilles s’est avéré être "extrêmement
puissant",
en induisant la mort de 100% des cellules cancéreuses, tout en ayant des
effets
minimes sur les cellules normales. "Nous
avons découvert que la
mélittine peut détruire complètement les membranes des cellules
cancéreuses en
60 minutes", se réjouit le Dr Duffy.
Avec
son Ă©quipe, elle
a également constaté que la mélittine était capable de réduire en 20
minutes
les messages chimiques des cellules cancéreuses. "Nous
avons examiné comment le
venin d'abeille et la mélittine affectent les voies de signalisation
du cancer,
les messages chimiques qui sont fondamentaux pour la croissance et la
reproduction des cellules cancéreuses, et nous avons constaté que ces
voies de
signalisation étaient très rapidement interrompues.". Par conséquent, le venin
élimine les possibilités de progression du cancer en
neutralisant les marqueurs signalétiques chimiques qui permettent la
multiplication des cellules cancéreuses.
Un effet
combiné avec la chimiothérapie
L’effet
de ce composé
est particulièrement intéressant sur les cancers du sein triple négatif
et sur
les cancers HER2, deux formes agressives du cancer du sein. "La
mélittine
a modulé la signalisation dans les cellules cancéreuses du sein en
supprimant l'activation du récepteur qui est couramment surexprimé
dans le
cancer du sein triple négatif, le récepteur du facteur de croissance
épidermique, et elle a supprimé l'activation de HER2 qui est
surexprimée dans le cancer du sein enrichi en HER2."
Pour
l’équipe de
recherche, ces premières conclusions sont d’autant plus encourageantes
que la
mélittine peut être utilisée en complément de médicaments de
chimiothérapie pour
améliorer la destruction des cellules cancéreuses. Testée sur des
souris, cette
combinaison s’est avérée "extrêmement
efficace pour réduire
la croissance des tumeurs", Ă©crivent les chercheurs.
DĂ©sormais,
ces
derniers s’emploient à évaluer la méthode optimale d'administration de
la
mélittine, ainsi que les toxicités et les doses maximales tolérées pour
traiter le cander du sein.
Espérons
que cette nouvelle s’accompagnera d’une prise de
conscience de l’importance des abeilles. Elles sont les premières victimes des pesticides,
particulièrement des insecticides néonicotinoïdes, les abeilles sont
menacées
d’extinction en Europe. Le taux de mortalité atteint jusqu’à 80 %
dans
certaines ruches d’Europe.